vendredi 23 avril 2010

AGLAE, DIVINITE GRECQUE, IMMORTELLE, VA-T-ELLE MOURIR ?

AGLAE, cette divinité grecque, la plus jeune des trois Grâces, tapie dans un superbe laboratoire, au pied du LOUVRE, bien qu’éternelle, risque de mourir prématurément. Cet instrument scientifique, avatar improbable, en 1989, d’un certain centralisme français, est aujourd’hui en grand danger sous l’action d’un centralisme, aujourd’hui, parfois destructeur.

En effet, AGLAE (Accélérateur Grand Louvre Analyse Elémentaire ), instrument scientifique, admiré dans le monde entier, est en grand danger.

AGLAE mis en œuvre au début des années 90, se situait dans le droit fil de la longue histoire de la science au service de l’Histoire de l’Art.

Tout commence avec une grande dame, MADELEINE HOURS, qui peu après la guerre conçoit de mettre l’excellence scientifique au service de l’Histoire de l’Art. Mais elle est impuissante à faire partager sa passion au Corps des conservateurs de musée, pourtant concernés au premier chef. Mais, de GAULLE régnant, MALRAUX qui a le sens de la grandeur, donc de l’excellence, appuie efficacement Madeleine HOURS et lui ouvre les portes de la Télévision nationale à 20 h, découvrant au grand public la vie mystérieuse des chefs d’œuvre. Rapidement le laboratoire est détaché du LOUVRE pour devenir, Centralisme oblige, le laboratoire de recherche des Musées de France, le LRMF.

Dans les années 70 GEORGES AMSEL, un excellent physicien du laboratoire de l’Ecole Normale, développe l’idée qu’un petit accélérateur de particules peut apporter à l’étude des œuvres d’art une contribution décisive. Là encore, miraculeusement, le Centralisme français, par ailleurs si néfaste, profite de l’opération GRAND LOUVRE pour concevoir un bijou d’architecture souterraine afin d’y regrouper, autour d’AGLAE, les équipes du laboratoire de recherche des musées de France. L’équipe d’AGLAE, animée par un excellent physico-chimiste, est aujourd’hui mondialement connue et admirée. Il a conçu un développement ambitieux, baptisé AGLAE 2, qui suscite un intérêt international considérable, balayer de la main par la responsable du service des musées de France. Mieux, le BRITISH MUSEUM projette un laboratoire de proximité, souterrain lui aussi. Demain, peut-être, une copie à PEKIN au moment où le LOUVRE perdrait son laboratoire?

Les services du Ministère de la CULTURE travaillent depuis deux ans sur un projet de transfert et de regroupement en banlieue. Certes le regroupement, hors AGLAE, de certaines équipes aujourd’hui dispersées ( recherche sur les monuments historiques, sur les documents graphiques ), peut avoir un sens.

Notamment un projet NANTERRE, à proximité d’une université en développement. En revanche le projet le plus récent, à CERGY-PONTOISE, qui prévoit le déménagement probable d’AGLAE, n’a aucune pertinence, autre qu’électoraliste.

De fait, techniquement, l’accélérateur n’est pas réellement transportable et sa vraie valeur, construite au cours du temps, est constituée de l’ensemble des compétences de l’équipe qui l’entoure et que va disperser rapidement la poursuite de projets dénués de signification scientifique. Déjà le CNRS, comme le CEA, dont les soutiens financiers et intellectuels sont essentiels, ont déclaré se retirer de ce projets déraisonnables.

Double paradoxe :

  • le Jacobinisme, en principe néfaste, a pu, parfois, rendre possibles des projets d’avant-garde.

  • Mais comment le plus grand musée du monde et le plus prestigieux peut-il, pour récupérer quelques m2, au terme d’une mesquine querelle de bornes, oublier aujourd’hui son ambition et son intérêt à long terme ?

Et leçon suprême : il n’est pas d’autre règle pour diriger la Cité que de se garder de toute idéologie et de rechercher obstinément l’excellence. Pour cette raison, il y a vingt cinq siècles, SOCRATE avait bu la cigüe.

Maurice BERNARD,

Ancien directeur du laboratoire de recherche des musées de France

Directeur de l'Enseignement de la Recherche de l'Ecole polytechnique de 1983 à 1990.

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